Pour quoi pas la philosophie?
Serait ce la faute à ce brave Mr.B. Non absolument pas, c'était un professeur comme on en rencontre très peu: méthodique, pédagogue et surtout passionné par son métier et la pensée humaine. Malgré tout cela, il n'a réussis à faire passer cette passion qu'à très peu de mes collègues. Moi même qui m'intéressais beaucoup à la philo, je trouvais les textes de mon manuel, obscurs, difficiles à comprendre et inaccessibles. Il me fallut un travail supplémentaire que mes collègues considéraient comme une perte de temps pour arriver à saisir l'essence des textes et le fond de la pensée de leurs auteurs, et je n'y arrivais que très peu.
La philosophie à coté de l'art et des mathématiques est un vrai repère de civilisation. Ceux qui abandonnent ces disciplines fondamentales, abandonnent tout espoir de développement ou de sagesse. Or, je vous demande qui, d'entre nous, lors de son parcours scolaire ou universitaire s'est intéressé à la philosophie? Très peu vous me diriez, très rares et on les traitait de fous ou d'inconscients. Entre les « je n'y comprends rien » et les « je n'ai pas le temps, il faut que je bosses mes physiques » il y avait les « Pfff, à quoi bon? après tout je ne dépasserais pas les 4 lors de l'examen finale ». Et c'est vrai, j'ai essayé de chercher sur le net un chiffre qui indiquerait la moyenne nationale de l'épreuve de Philosophie, au bac tunisien en vain. Mais je pari qu'elle est bien en dessous de la moyenne.
Est ce la faute aux élèves alors? Ils ont leur part d'erreur, mais elle est négligeable. En effet arriver un beau jour et annoncer à une bande d'adolescents que nous allons étudier la pensée humaine et visiter le monde philosophique en neuf mois est absurde. Comment voulez vous qu'un élèves qui n'a lu que ce que ses maitres l'ont ordonné de lire et encore, puisse saisir un texte de Descartes ou l'analyse de Freud. C'est tout simplement enseigner à un arabophones la grammaire française sans qu'il ne connaisse l'alphabet latine. Il n'y comprendra rien et l'abandonnera de si tôt. Il paraît donc évident qu'introduire la philo en fin de parcours scolaire, d'une façon que je trouve violente, maladroite et totalement inefficace, ne fait qu'accroitre ce malaise qu'on a acquis petit à petit, ce mal de tête qui nous prend à chaque citation de Spinoza ou Alghazeli, cette envie de vomir à chaque fois qu'on nous demande de réfléchir à cet univers ou à notre propre existence.
Pour quoi la philosophie? Georges Gusdrof nous répond : « La philosophie, dans son ensemble, refuse de valider le droit du plus fort ; elle pourrait se définir comme le passage de la violence à la raison. » ou encore : « Toute philosophie pourrait se réduire à rechercher laborieusement cela même que l'on sait naturellement. » selon Paul Valéry. Et j'en passe, tout les sages qui ont traversé l'histoire humaine ont philosophé ou en d'autre termes, ont douté de tout ce qu'on leur a appris, entrainant le plus grand débat qu'a connu l'humanité. Et, il suffit de visiter la pensée de chaque société, de chaque civilisation pour en connaître la valeur. Mais aujourd'hui, dans la notre, on marginalise le penseur, on abandonne la philosophie et le doute, pour une certitude dogmatique et un obscurantisme effrayant. Ceux là même qui sont entrain de nous donner en pâture à des bêtes affamées qui n'hésitent pas à dévorer nos âmes et esprits.
« Lycée. 1/ Ecole antique où l'on s'entretenait de philosophie. 2/ Ecole moderne où l'on discute de football. » Voilà la cause de notre malheur, Ambrose Bierce a tout à fait raison. Et seul sur les bancs d'une nouvelle école que nous trouverons le salut. Par école j'entends tout ce qui nous apprend à réfléchir: Nos parents, nos ainées, nos professeurs, nos voisins, nos lectures... Mais si on devait se restreindre à l'école au sens propre du mot, c'est à dire un établissement ou l'on enseigne, instruit et forme, une introduction précoce de la philo sur ses bancs me parait judicieuse. En effet si on enseignait aux plus jeunes que se fier à ses sens sans analyse ni critique, si on leur enseignait depuis leur tendre enfance que un plus un est égal à deux mais aussi qu'il faut en douter pour mieux comprendre, on aura surement un autre visage de la société et de toutes ses composantes.
Pour finir, ou du moins s'arrêter là car toute une vie ne sera pas suffisante, je renouvelle encore mon appel à ceux qui mènent une bataille sanguinaire, un peu partout dans nos rues, écoles et sites internet, au nom de la foi ou de son absence, au nom de quelques gourous malintentionnés, ou d'idées qu'ils présentent comme étant parfaite et sans lacunes, de prendre quelques minutes de leur temps et de douter, de se poser des questions, de changer de point de vue... Rien que quelques minutes, et vous verrez que vous avez tort quelque part. L'ensemble des idées et des croyances qu'on accumule au fur à mesure de notre existence est semblable à un château de carte, qui tombera au premier coup de vent si l'une des cartes de la bases est mal placé. Et le seul moyen d'éviter un tel désastre c'est de réviser ses acquis aussi évidents qu'ils soient, non pas forcement pour les détruire et en apporter d'autres mais peut être bien les consolider ou les raffiner.
Enfin, comme on avait commencer avec une citation de Socrate, pour quoi ne pas finir sur un autre de ses conseils qui dit : « Si un âne te donne un coup de pied, ne lui rends pas. » sa77a chribitkom et je vous laisse méditer la dessus, si bien sûr, vous ne regardez pas « Maktoub ».
P.S. : Un livre que je conseil à tout le monde mais surtout aux plus jeunes d'entre nous, que je conseil aussi aux parents qui se soucient de leurs enfants : « Le monde de Sophie » de Jostein GAARDER. Un livre qui a eu un franc succès depuis sa publication à nos jour et qui nous fait visiter à travers un récit bien ficelé et un langage simplifié, le monde de cette fameuse Sophie qui n'est qu'un monde peuplé de philosophes et d'idées loin d'être préfabriquées. En un mot, l'outil idéale pour introduire les notions philosophiques sans heurter ni ennuyer le lecteur. http://pagesperso-orange.fr/mondalire/Soph.htm