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Voyage au fond du puit

Posted by DramaR on 10:16 in , , ,

Ils me permirent de les suivre. Ce fut une surprise pour moi. Ils étaient fort bien habillés, une fraîcheur étonnante en émanait et leurs visages rayonnaient d’une étrange lueur pure. Je ne me rappelais plus du chemin que j’ai dû emprunter pour arriver là, marchant dans leur sillage, essayant tant bien que mal à tenir leur rythme. J’avais l’impression que ma mémoire fut effacée par un quelconque sortilège. Mais la fatigue que je ressentais et l’état des mes habits en loques prouvaient que je ne faisais en aucun cas partie de ce cortége à son départ. Et pourtant, ils me laissèrent leur emboîter le pas et à chaque fois que cette douleur lancinante m’élançait à la jambe, m’obligeant à ralentir le pas, ils faisaient en sorte que je puisse les rattraper. Ils avançaient d’un pas saccadé mais régulier et ils ne disaient mot. Je fus même frappé par le silence qui règne sur ce paysage lugubre et étrange : Une vallée rocheuse s’étendant à perte de vue interrompue à l’est par une montagne qui semblait s’élever jusqu’aux confins du ciel. Il n’y avait point de soleil. Je crus un instant qu’il faisait nuit mais l’absence d’étoiles me suggérait le contraire.

Où somme nous ? Quelle contrée de la terre pouvait être aussi lumineuse alors qu’on ne voyait aucun astre au ciel ? Serait ce leur aura qui illuminait notre chemin ? Et d’ailleurs, ou va-t-on ?

Ils me jetèrent soudain, un regard plein de reproches comme s’ils étaient dérangés par les questions que je me posais. Liraient-ils mon esprit ?
Tout ce dont je me rappelais, était que je marchais le long de la rue des Carmes absorbé par milles pensées. Puis, le néant. Je me retrouvais simplement marchant à coté de ces gens, qui n’ont, à première vue, des humains que l’apparence.
« Taisez vous donc, nous sommes bientôt arrivés »
Mais ou donc ? Je voulus crier cette question tellement je me sentais en proie à une frayeur soudaine. Mais tout ce qui se dégagea de ma gorge sèche, ne fut qu’une espèce de grognement animal.

Où va-t-on ? Où suis-je ? Qui êtes vous ? … Tant de questions, sans réponses, martelaient ma tête endolorie et pesaient sur mon cœur haletant. L’absence de réponse de leurs parts et l’impossibilité de trouver une explication rationnelle à tout ceci, m’abandonna à une peur insurmontable et je fus envahie par un sentiment désagréable et tellement étrange qu’il me fut impossible de le définir. Ajouté à cela le majestueux silence qui pesait avec une force colossale sur ce désert rocailleux, je sentis tout mes membres trembler et mes jambes incapable de me porter. « Tenez bon, Il ne nous reste plus beaucoup de chemin ». Ils parlaient d’une seule voix. J’avais du mal à les croire bien qu’ils paraissaient exercer sur moi une influence magique. Car, comment voulez vous qu’on puisse arriver, bientôt à un endroit quelconque, alors que le chemin que nous suivions, bien que tracé avec précision dans la roche, s’étendait à perte de vue.

« Ne vous fiez, donc, pas à vos sens. Ils ne vous seront d’aucune utilité ici »
Je me rendis aussitôt compte qu’il n’y avait pas la moindre senteur qui aurait pu flotter dans l’air. Même leurs voix, semblaient résonner dans ma tête, au lieu d’arriver à mes oriels. Une frayeur gigantesque me prit soudainement ; une seule explication pouvait avoir un semblant de bon sens : Je ne suis plus, je suis mort. A cet instant précis ou j’arrivais à cette conclusion, je les vis sourire, pour me rassurer ou confirmer mes doutes, que sais je ? Et à l’instant même où je vis le sourire mystérieux s’effacer de leurs visages, nous changeâmes de paysage ; comme si une force invisible venait de nous transporter dans un somptueux palais ou ce qui me semblait en être un.

Des colonnes géantes s’élevaient maintenant un plafond peint de milles fresques et traçants un couloir, qui traversait un jardin ou fleurissaient des arbres plus étranges les uns que les autres. Le chemin, devint incliné au bout d’un moment et s’enfonça dans le sol prolongé par un tunnel. Nous y pénétrâmes, traversant un passage étroit et fort lumineux. On pouvait distinguer sur ces mures différentes scènes dessiné selon une succession logique dans le temps, décrivant la vie d’une femme qui semblait traverser les ages de l’humanité.

Nous arrivâmes, bientôt, dans une grande salle, surplombée plafond rond, ou était peinte une voûte céleste, parsemée par des milliers d’étoiles qui me paraissaient briller, bien que assurément peintes. La pièce était vide de tout meuble, mis à part un tapis rond en son centre qui, si on ne faisait pas attention, semblait se confondre avec le marbre pourpre qui couvrait le sol.
« Asseyez vous » firent ils en prenant place tout au tour de tapis formant ainsi un cercle parfait tout en me laissant une place. Je fis de même, impatient de voir comment tout cela va finir mais surtout fort content de pouvoir enfin me reposer.
« Fermez les yeux » Je m’exécutai, et au lieu de sombrer dans le noir habituel qu’une telle action aurait engendré, je vis de la même manière que si j’avais les yeux ouverts à la différence prés qu’au milieu de notre cercle, était accroupie une femme d’un age avancé dont émanait, néanmoins, un charme irrésistible. Je crus au début que ce fut la même femme qu’on voyait sur les scènes du tunnel.
« Posez lui, donc, vos questions » disaient mes compagnons en pointant du doigt la vielle dame.

La seule question dont il me paraissait urgent d’y répondre fut :
- Suis-je mort ?
- -Non, répondit elle avec une voix plus jeune que ses rides ne laissaient paraître à propos de son age.
- Où suis-je ?
- Ceci n’est pas important. Posez donc une autre question, nous n’avons pas beaucoup de temps.
- De temps ? Mais pourquoi faire ?
- Pour répondre à tes questions voyons.
- Qui êtes vous ?
- Ne serait ce pas plus judicieux de te demander qui tu es au lieu de chercher que serais-je ?
- Je suis perdu. Comment voulez vous que je sache quelles questions il faut que je pose si je ne sais même pas, ou suis-je, que fais je ici, ni comment suis-je arriver jusqu’à vous et pourquoi je n’ai pas le moindre souvenir du chemin que j’ai emprunté pour arriver dans ce lieu dont j’ignore tout ?
- Tu viens tout juste de poser les bonnes questions. Mais, hélas, je ne pourrais y répondre maintenant, car le temps est bientôt écoulé.
J’ouvris les yeux, quelques instants plus tard, pour découvrir que je n’avais pas bougé de ma place. J’étais encore rue des Carmes et je marchais l’esprit ailleurs.

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